L’intersaison a toujours été caractérisée par une certaine agitation qui met en émoi les prix, provoque un «mélange du genre» dans la marchandise et, bien entendu, inquiète les consommateurs. Sans oublier les fourberies et impostures des commerçants.
La raison est très simple : les campagnes de ramassage des olives, la cueillette des dattes, l’arrivée des agrumes, la reprise d’un certain nombre de secteurs, mis en veilleuse lors de la saison chaude, plongent le marché dans cette incertitude face à laquelle le consommateur se retrouve bien dépourvu. C’est le moment que choisissent les porte-voix des producteurs pour essayer d’orienter la consommation pour ne pas dire provoquer un mouvement collectif, qui risque, à chaque fois, d’influencer négativement les prix. Nous avons entendu les «explications» données à propos des dattes. Les frais ont augmenté, l’absence de ceci ou cela, le manque de main-d’œuvre, etc, sont des remarques qui reviennent tous les ans pour motiver et amorcer une hausse de prix.
Production record, mais…
Ce fut ensuite l’arrivée des producteurs oléicoles qui parlent d’une production record et qui hésitent à se prononcer sur les prix de vente au public pour cette année. Ce créneau a été immédiatement pris en main par les responsables et les choses sont plus claires. Les prix se situeront vraisemblablement entre 15 et 25 dinars le litre. A propos de l’huile, les responsables semblent d’accord sur une chose : «Nous allons commencer par bouffer une partie de notre huile à l’effet d’éviter un moyen de pression dont notre clientèle s’empare, pour imposer ses conditions». Ce principe a été adopté depuis un bon bout de temps déjà et cela a marché.
En effet, face à une production qui augmentera de manière continue, au vu des investissements engagés pour planter davantage de pieds d’olivier, il est important de prévoir les difficultés que l’on éprouvera, un jour, pour le stockage. Avec la mise en place d’une politique de répartition intelligente entre le marché intérieur (avec en bonus une réduction des huiles végétales importées), et les quantités destinées à l’exportation, nous pourrions nous en tirer sans dégâts. Dans le cas contraire, nous risquons d’arriver à un point de non-retour qui nous mettra à la merci de notre clientèle. Nous avons vécu ce problème et pour nous en sortir il fallait, à cette époque, libérer la vente de l’huile d’olive sur le marché intérieur.
De toutes les manières, nous pensons que la prochaine étape consiste à mettre en valeur et profiter pleinement de ces médailles que la qualité de notre huile récolte un peu partout dans le monde. Là, il faudrait faire un effort pour innover, dans les choix de l’emballage, le design et la publicité. Ce qui est actuellement fait est encore insuffisant et l’on devrait se pencher sérieusement sur cet aspect de la question et non pas attendre que nos concurrents potentiels étendent davantage leur emprise sur ce marché porteur.
Manipulation des prix et de la qualité !
Revenons à la qualité et aux prix des fruits et légumes que l’on offre sur le marché en cette intersaison délicate et qui favorise bien des manipulations. En effet, le fait de vouloir libérer les frigos pour céder la place à des produits que l’on attend en grandes quantités, on déverse tout dans un désordre… bien organisé. Oui, il faudrait malheureusement se méfier des couches inférieures des poires (des fruits souvent noires à l’intérieur, des dattes infectées datant de l’année dernière), des pommes toutes biscornues que les revendeurs ont l’art de saisir de manière à camoufler ces traces noires ou marron qui provoquent un haut-le-cœur. Pour être précis, ces manipulations ont lieu aussi bien dans les marchés populaires qu’ailleurs. Ce sont des agissements bien réfléchis, calculés, bien rodés. Le poulet, on nous dit que nous allons vers un retour à la normale. En attendant, il est difficile de trouver des poulets PAC entiers. Les revendeurs préfèrent les découper pour vendre du blanc de poulet à 11.980 D le kilo ! Les légumes sont en chute libre dans un marché et en hausse vertigineuse dans d’autres. La raison est très simple : le tonnage le plus important ne transite pas par les marchés de gros, les livraisons se font par des norias de camions qui défilent à n’importe quelle heure de la matinée, qui stationnent narquoisement sous le panneau fixant l’heure des livraisons et sans être aucunement inquiétés, livrent leurs cargaisons où nous pourrions trouver toutes les surprises possibles et imaginables. La première couche de produits est impeccable, quant à ce qui figure en dessous, c’est de l’escroquerie pure et simple. Les fruits sont, comme signalé plus haut, les premières victimes de ces agissements, mais les légumes ne sont pas en reste. Et comme les prix sont en hausse continue, ce que l’on jette devient une perte sèche pour le consommateur. Comment protéger ce consommateur qui n’a aucun droit de toucher et de choisir ? Pourquoi ces pratiques malhonnêtes, alors que tout est disponible en grandes quantités ? Effectivement, rien ne manque, mais l’appât du gain et l’absence de contrôle au départ de la marchandise à exposer à la vente offrent l’occasion de tromper sans craindre la sanction.
L’impératif du contrôle
Pratiquement, dans l’état actuel des choses il n’y a aucun moyen de voir à l’avance ce que l’on offre à la vente. La seule alternative est bien d’interdire l’accès des camions qui livrent sans facture, viennent à n’importe quelle heure et stationnent n’importe où. Au niveau de la qualité et de l’uniformité des produits il nous semble qu’il est temps d’imposer, comme nous l’avions dit pour interdire les caisses en bois, des couleurs pour fixer la catégorie de la marchandise offerte à la vente. Ce sera difficile au début, mais la mise en place de ce processus est importante pour protéger le consommateur. Le responsable du marché pourrait être mobilisé pour pousser à l’étiquetage et veiller au choix de ce qu’on propose à la clientèle. Aux responsables municipaux de trouver la formule, car ce genre de désordre n’existe dans aucun marché au monde. Un désordre qui encourage les fourberies et dessert énormément les intérêts d’un consommateur déjà bousculé et poussé à la limite de ses possibilités. On ne peut pratiquement pas mettre un contrôleur devant chaque étal, mais on peut instituer une réglementation à l’intérieur d’un marché, censé être protégé et qui bénéficie de l’aura municipale.